Cette page reprend les articles de Céline Martinez, maman de trois enfants, dont William, porteur du syndrome de Prader-Willi.
Sa démarche : comprendre pour mieux guider vers l’expression des autonomies possibles. Un éclairage qui incite à aller chercher les ressources en soi pour résister aux difficultés.
« Le Mois de Mai est le mois de sensibilisation au syndrome de Prader-Willi dont mon fils est atteint. Une des 5 maladies rares les plus complexes et les plus graves sur les 7000 répertoriées à ce jour. Il n’y a pas de médicament pour la soigner.
Alors il faut piocher dans nos instincts, notre philosophie de vie pour affronter et accompagner l’enfant dans ce combat contre les symptômes qui sont là. Tous les jours. »

L’annonce

C’est en quelques mots que le diagnostic est prononcé et que les parents sont propulsés dans un monde inconnu. L’annonce est un choc qui vient faire effraction dans la pensée. L’esprit va devoir passer par trois étapes successives de la sidération, à la colère ou la tristesse puis à l’acceptation. J’ai tapé du poing sur la table, ce jour-là. Parce que l’onde de choc s’abattait aussi sur mon enfant.
J’ai attendu 15 jours pour devenir, moi-même, un moteur de recherche à moi toute seule, accompagnée par l’Association Prader-Willi France qui oeuvre depuis tant d’années pour nous soutenir, pour m’ériger contre la maladie et pour engager la lutte. Il m’a fallu du temps pour comprendre et pour accepter… Avec joie, avec force, avec des larmes aussi, mais j’ai choisi, comme William, d’aller toujours droit devant.
Il y a l’annonce du nom de la maladie mais, on ne vous annonce pas les forces insoupçonnées qui vont vous emporter, les progrès que votre enfant fera d’abord à bas bruit et puis de plus en plus précisément avec acharnement, avec volonté, avec tant de bonté. Croyez-en vous. Croyez-en eux. Vos instincts à tous les deux sont très puissants. (Texte de Céline Martinez)

La lenteur

William prend son temps et prend du temps pour comprendre, toucher et se saisir de la réalité extérieure.

Il ne sait toujours pas lire ni écrire. Mais j’ai repéré quelques émergences en ce début d’année 2018…
Et j’ai appris, avec le temps, que plus je lui donne de l’espace et du temps et plus l’apprentissage s’installe… Alors, dès que c’est possible, je me cale sur « sa vitesse« à lui.

Et ces temps d’observation, ces temps d’écoute sont les plus beaux du monde. Mon « petit « William. 9 ans (Texte de Céline Martinez)

L’hypersensibilité

Les émotions sont vécues de façon très forte. Le curseur face à la frustation, au changement, à la joie, à la peine, est positionné très bas. Cela est dû au grand déréglement hormonal : William a besoin d’être contenu pour être aidé.
Petit, je pouvais le prendre dans mes bras et chuchoter à son oreille, prendre la mesure du problème qui le dépassait et le ramener doucement à dépasser la situation. Le soir, après tous les efforts de la journée : il a besoin de cette contention.

Aujourd’hui, je me sers du cadre, des rituels, du silence, de la présence de chevaux pour l’aider, mais il trouve, lui aussi, parfois des endroits pour s’apaiser… (Texte de Céline Martinez)

L’hypotonie ou diminution de la force musculaire

William est né sans cri. Eveillé, il bougeait très peu, n’avait pas la force de téter, ni de pleurer.
Bébé, les hochets étaient des jouets trop lourds et il n’arrivait pas à utiliser son corps pour se mouvoir et explorer le monde.

Avec les rééducations en orthophonie et kiné dès la naissance, et un régime alimentaire adapté pour éviter une obésité pathologique ( parce qu’il se dépensera toujours moins qu’un même enfant au même âge ), il a musclé comme il a pu, toutes les sphères de son corps. L’hypotonie grave de la naissance a régressé : il s’exprime très bien, il joue au foot et au rugby, monte à poney…

Mais il reste un enfant de 9 ans fatigable. Parfois en promenade ou en activité de sport, il s’allonge par terre, signe de cette hypotonie. C’est une donnée dont il faut prendre la mesure pour conduire sa vie. (Texte de Céline Martinez)

L’hyperphagie ou le trouble de la satiété : le symptôme majeur dans le syndrome de Prader-Willi.

Parce que le taux de ghréline est très constamment élevé en eux, même après un bon repas, le cerveau réclame encore à manger. Bébé, William a été nourri par sonde…puis les rééducations en orthophonie aidant, le dos se redressant, l’habilité pour tenir la cuillère s’ajustant, le rythme s’est accéléré…Les demandes de nourriture se sont faîtes plus insistantes bien avant l’heure du repas.

La variabilité de ce trouble existe, mais c’est un sujet latent qui aspire l’enfant et la famille : » quand est-ce qu’on mange, qu’est-ce qu’on mange ? » Inlassablement.
C’est une maladie exigeante. Un trouble majeur qui conditionne nos vies en famille, en société : un achalandage de fruits et de légumes important pour composer une cuisine faîte maison à la vapeur, graisses non cuites dosées, et en apport de sucre naturel par les fruits…une cuisine-soin pour les protéger. A vie.

Une nuit, j’ai oublié de fermer la porte de la cuisine, William s’est organisé pour son petit-déjeuner dès son réveil. Les ingrédients étaient justes mais dans des quantités bien trop importantes.

La nécessité d’un régime hypocalorique et un tutorat bienveillant est vital. Je remercie infiniment Sarah Mony pour tous ses enseignements diététiques venus me soutenir en tant que mère…

P.S : Céline Martinez, qui a rédigé ce texte, gère un blog facebook Recettes et Astuces culinaires pour enfants Prader-Willi (groupe fermé, faire une demande pour y participer).

Les colères

Les colères font partie des troubles du comportement. Parce que le chromosome touché dans le SPW gère le centre des émotions, les équilibres hormonaux entre :

  • le cortisol ( l’hormone du stress libérée en situation de danger, de défi, de jeu… ),
  • la dopamine ( l’hormone du plaisir ), l’endorphine ( l’hormone anti-douleur ),
  • l’ocytocine ( l’hormone du plaisir )

L’ocytocine permet de reconnaître une menace, puis l’inhibe pour diminuer la douleur ou la peur. Son action est  anxiolytique, elle pousse à entrer en contact avec autrui, à faire confiance, à être empathique. Sa production est aussi déclenchée par une situation agréable et le sentiment d’attachement (amour, amitié)

Avec le syndrome de Prader-Willi, les équilibres sont extrêmement chamboulés… Les libérations de ces hormones subissent des variations fortes voire incohérentes. Aussi l’expression des émotions déclenchées par une situation ( émouvante ou anodine pour vous parfois ) est flamboyante en positif comme négatif. Leur valence émotionnelle ressemble à celle d’un enfant de deux ans.

William me demande chaque jour sur le chemin de l’école :
–  » Tu vas où après m’avoir déposé ? ».
–  » Je vais à une réunion William « .
Ce jour-là, je me rendais aux Etats Généraux de la Déficience Intellectuelle.
( Janvier 2018 : http://www.defiscience.fr/actualites/etats-generaux-de-la-deficience-intellectuelle/  )
–  » C’est quoi cette réunion ? « .
Je me suis tournée vers lui très calmement :  » je vais à une réunion où des gens vont m’aider à comprendre comment je peux t’aider quand tu fais des colères…parce que tu sais William, quand tu te mets en colère, quelquefois c’est de ta faute et parfois ce n’est PAS de ta faute ». Il m’a regardé. Emu. Et moi aussi. (Texte de Céline Martinez)

Les troubles de la relation à autrui

Etre en relation avec autrui suppose d’être d’abord en lien avec soi. Or, parce que l’hypotonie frappe leur corps d’enfant à la naissance au moment où on intègre les premières émotions …et ce pendant de longs mois, parce que le défaut de régulation de l’hormone du lien (l’ocytocine) n’oeuvre pas suffisamment…le rapport de l’enfant à lui-même est troublé et de ce fait le rapport à l’autre est troublé.

Les mouvements atténués de leur visage n’envoient pas de signes forts à l’autre qui, en réaction, va moins réagir. Les parents et les personnes averties doivent sur-stimuler leurs expressions et faire preuve de grande patience pour voir poindre des réactions : il faut être hyper adapté à une relation faite de patience, de calme, les yeux dans les yeux, pour rentrer en contact et donner corps à un lien fragilisé par la lenteur, l’hypothonie et l’hypersensibilté.
Le visage de l’autre est une énigme qu’ils lisent pendant des minutes entières avant de comprendre que l’on est heureux ou en colère, ou soucieux, ou interrogatif…

Une cour de récré est un magma en fusion où ils auront du mal à s’insérer. Toute leur sphère émotionnelle est touchée : Identifier leurs ressentis intérieurs qu’ils peuvent confondre avec les nôtres parce que l’on ne leurs laisse pas le temps de s’approprier les leurs quand tout va si vite, maîtriser leurs émotions qui les débordent souvent, percevoir les émotions d’autrui ( avoir de l’empathie ), maintenir les relations avec autrui… Cela concourt à rendre difficile les moments de groupe, et à préférer les relations duelles.

Par habitude et parce qu’ils n’ont pas de filtres, ils vont s’adresser aux autres, mais à partir du monde intérieur qu’ils auront réussi à fabriquer, fait de questions particulières, d’intérêts qui les concernent eux ( autocentrés) loin des codes sociaux généraux qu’ils maîtrisent mal, tout en repérant nos failles et en étant fondamentalement dans la bonté. C’est dire combien ils peuvent être vulnérables.

Ils ont vraiment besoin, dès que possible, d’aide à la communication : de calme, de langage des signes, de pictos, de rire avec Guignol 😉 ou de toute proposition facilitatrice qui vont les aider à reprendre la main.

J’aurais pu vous filmer l’accueil qui est fait à William dès qu’il est de retour au Centre Loisirs de sa ville : des cris de joie et des « give me 5  » à n’en plus finir. Mais j’ai filmé, hier, mon William de 9 ans en pensant à vous. Il avait parfaitement été intégré dans l’équipe du copain au tee-shirt rayé, parce que je lui ai appris à dire  » je peux jouer avec vous ?  » et qu’il le fait, toujours, avec un grand sourire. Mais cette fois-ci, je ne l’ai pas assisté, je n’ai pas été son petit poisson-pilote comme je le fais d’habitude, je n’ai pas couru, prépensé, invité, stimulé, drivé, montré, fait l’interprète en riant avec mes « nouveaux copains de 11 ans ». J’ai filmé mon enfant…subjugué. Mais je sais dans que dans ce laps de temps, il enregistre tout, et que, dans son for intérieur, il amplifie la moindre émotion qu’il saura lire sur le visage de ses compagnons d’un jour… (Texte de Céline Martinez)

Les troubles cognitifs

Je me souviens d’un livre que m’avait fait lire mon professeur de psychiatrie : « L’Enfant à l’intelligence troublée  » de Gibello. J’aime ce titre pour vous inviter à comprendre combien les processus de pensée peuvent être attaqués quand il s’agit de parler du domaine des apprentissages dans le Syndrome de Prader-Willi.

La variabilité est grande. Certains progressent à l’école jusqu’à un certain niveau…quand d’autres vont aller jusqu’à des licences en fac. L’abstraction reste un concept difficile pour la majorité. Mais il y a une chose certaine et cela est valable pour n’importe quel enfant : c’est qu’ils ont des compétences à identifier, à révéler et sur lesquelles il faut s’appuyer. A tout âge. De la naissance jusqu’à l’âge adulte.

Pour révéler et étudier les processus cognitifs, les psychologues font passer des tests d’intelligence. Seront notés le quotient intellectuel en étudiant les compétences verbales, les compétences de raisonnement abstraites, de traitement de la mémoire et de vitesse de traitement.

Ces examens se passent tous les 4 ans environ pour éviter qu’ils deviennent un apprentissage sur les tests, ce qui fausserait les résultats. Aujourd’hui  le quotient émotionnel et le quotient sensoriel sont aussi notés.

Je ne séparerai jamais le corps de l’esprit. Aussi, il est primordial de repérer toutes ces sphères de l’intelligence pour savoir comment une personne atteinte par le SPW appréhende le monde .

Ce que je sens des personnes atteintes dans le syndrome de Prader Willi, c’est qu’ils sont enfermés en eux. Ils sont capables de beaucoup mais souvent, c’est l’exécutoire qui est abîmé. Et cela ne peut être apprécié à sa juste valeur. C’est un sujet vaste et délicat. Comme le dessin du bonhomme (un des premiers tests psy que l’on fait passer vers 3 ans) de mon William quand il avait 8 ans. (Texte de Céline Martinez)

Les troubles du sommeil.

Le syndrome de Prader-Willi est un grand désordre hormonal qui provoque aussi des déficits hormonaux : la mauvaise libération de l’hormone du sommeil : la mélatonine ( qui se libère à partir de 6 heures du soir ) n’est pas toujours efficiente pour protéger le sommeil de la personne porteuse du syndrome. Les apnées du sommeil viennent aussi perturber un sommeil qui, au bout du compte ( écourté ), ne permettra pas à l’enfant ou la personne adulte de se ressourcer totalement.
S’en suivent, en cours de journée, des endormissements ou des somnolences, signes que la nuit n’a pas été réparatrice.

Le bébé, extrêmement atone à la naissance, dort immensément au cours de la nuit et la journée, ce qui rend les échanges mère-père, main maternante, très particuliers. Quand à l’enfant, il s’endort très rapidement ou présente des signes de fatigue au moment des repas où la station assise et les efforts pour mâcher et déglutir demandent beaucoup…
A l’école, quand ils sont plus âgés, il n’est pas rare qu’ils soient aussi somnolents et dans la lune…

Il m’est arrivé souvent de découvrir mon William allongé au sol dans le salon vers 18h… tout à fait endormi…Encore aujourd’hui, je maintiens une sieste les mercredi et les weeks-end, pour qu’il puisse récupérer des nuits hachées et pour asseoir un meilleur contrôle de ses émotions. (Texte de Céline Martinez)

La scoliose

A l’annonce du diagnostic, il m’a fallu du temps pour comprendre que l’hypotonie n’attaquerait pas que les muscles de la colonne vertébrale mais le corps en son entier. Du moindre muscle des lèvres jusqu’aux bout des pieds.
L’hypotonie majeure de la naissance régresse au fil du temps et des rééeducations en kiné ou en psychomotricité qui viennent stimuler et muscler précisément.
Mais l’allure générale d’un enfant ou d’une personne porteuse de la maladie souffre d’un manque de tonus : les pieds roulent vers l’intérieur, les genoux se touchent, et la colonne vertébrale peut, dans certains cas, dévier de son axe, voire vriller sur elle-même.
Des coques pour les petits, des semelles équilibrantes ainsi que des corsets de jour ou de nuit viennent corriger les axes mais aucune manœuvre ni maintien ne saurait corriger une colonne qui vrille.

C’est le cas de William. Comme sa sœur de route, Clémence, brillamment opérée ces jours-ci, il lui faudra passer par une chirurgie pour rétablir une déviation qui s’aggrave malgré tous les efforts depuis sa naissance. (Texte de Céline Martinez)

Le traitement par hormone de croissance.

S’il n’existe aucun traitement pour rétablir le dysfonctionnement du chromosome 15 et les multiples désordres endocrinaux que cela engendre, il y a tout de même un remède pour lutter contre l’obésité : Le traitement par Growth Hormone ( GH = hormone de croissance ). La GH améliore la croissance staturale, la composition corporelle en s’attaquant à la masse grasse, et améliore le développement psychomoteur. L’enfant est plus tonique.
L’injection est sous cutanée dans les fesses ou les bras ou le ventre, se faisant grâce à un stylo-piqûre, tous les soirs ou 6 jours sur 7. Elle est administrée en soirée en concordance avec la libération de la mélatonine qui joue un rôle dans la libération de l’hormone de croissance.
Le traitement démarre dès la petite enfance, après vérification que l’enfant n’est pas sujet aux apnées du sommeil.
L’hormone de croissance se conserve au réfrigérateur. Cela suppose donc qu’il faut s’organiser en cas de sorties ou de voyages, pour le maintien à température fraîche d’un produit fragile et extrêmement coûteux, heureusement pris en charge par la Sécurité Sociale française.
Ce geste tous le soirs me coûte. Mais je l’ai banalisé. Et William aussi. J’ai vu les effets très positifs de cette hormone sur le corps de mon enfant. Mais je rêve pour lui d’un traitement plus doux. (Texte de Céline Martinez)

L’anxiété.
Au coeur du syndrome de Prader-Willi est la prise en charge de l’anxiété. Les déroutes sensorielles, les attentes vécues avec tant d’émois, les changements de routine ( jours fériés !, fête de fin d’année, spectacles ), les moments impromptus ou les grands changements dans leur existence ( changement d’école, naissance d’un petit frère ou d’une petite soeur, une hospitalisation non-préparée…etc… ), leur difficulté à se repérer dans le temps, à se projeter dans l’avenir, ou un sentiment de fatigue extrême, que ni l’assistance, ni eux-mêmes ne perçoivent, concourent à les plonger dans un état d’anxiété important.
N’ayant pas les mots pour le dire, ils vont se servir de leurs corps pour montrer que leur baromètre anxiété grimpe. Grattages jusqu’au sang par nervosité, crises de colères à répétition, rituels paralysant leurs pensées sont des manifestations possibles.
Dépassés par leurs remous intérieurs, ils ont une absolue nécessité à être rassuré. Rassuré par des images en séquence qui découpe le déroulé d’un événement, des phrases simples ( sujet-verbe-complément) qui permettent à l’enfant de se poser et de se re-poser.
Mais quand l’anxiété les déborde et que la crise émotionnelle envahit totalement, il faut parfois avoir recours au coussin médicamenteux. A ce jour, diverses molécules sont proposées pour réguler ce sentiment d’anxiété qui les pénalise. Et nous attendons avec grand espoir la mise sur le marché du médicament à base d’ocytocine mis au point par le Professeur Maïté Tauber ( Centre de Référence de l’Hôpital de Toulouse ) grâce à la Start Up OT4B fondée par l’ex-Président de Prader-Willi France, Monsieur François Besnier. Leurs implications à tous deux, depuis des années, est en passe de révolutionner nos vies. (Texte de Céline Martinez)

La grande fragilité cutanée.

Pendant mes études, j’ai lu un livre magnifique :  » Le moi-peau  » de Didier Anzieu ( psychanalyste ). Ce titre est un concept d’une très grande sensibilité qui témoigne du fait que notre peau, notre enveloppe, est une barrière par rapport à l’extérieur qui précise notre identité au monde mais qu’elle respire aussi de tout ce que l’on éprouve, et que ses affections ( rougeurs, plaies, marbrures, eczéma, bleus…etc…) sont les témoins de nos ressentis mais aussi une parole silencieuse.
L’hypotonie qu’induit le syndrome de Prader-Willi, « blesse » les premiers contacts peau à peau avec la mère à cause de l’urgence des soins pendant la naissance, plus tard les déséquilibres entraînent parfois des chutes, le petit enfant est souvent marqué au visage d’avoir manqué de mettre les mains en avant. Plus âgé, les états d’anxiété entraînent grattages ou auto-blessures comme si la personne cherchait à s’apaiser ou à s’éprouver ( se faire du mal pour se sentir ). Elles présentent par ailleurs un seuil de tolérance très élevée à la douleur ( ce qui crée des accidents de brûlures ou d’écorchures parfois importants ).
Ces réalités observées et vécues témoignent d’une hyper-hypersensibilité de leur peau : difficulté à leur faire couper les cheveux ou leur couper les ongles…Leur peau, par ailleurs, cicatrise lentement nécessitant des soins réguliers pour maintenir une protection lipidique salvatrice.

Avec le recul, quand je pense le corps d’une personne porteuse du syndrome Prader-Willi, je vois tous ces examens où cette peau est piquée, scannée, secouée ( pour les kinés respi ), opérée, stimulée, corsetée, scotchée, déscotchée d’électrodes, masquée, suturée, examinée, radiographiée… Si les rééducations sont véritablement une chance de contrer la maladie, dans les cas extrêmes de fatigue et de colère…il me semble que leur peau ne peut plus jouer son rôle de contenant.
Aussi être touché par une personne porteuse du syndrome de Prader-Willi et toucher une personne, porteuse de ce syndrome, prend une dimension à des niveaux de sensorialité que nous avons oubliée mais que ces personnes vivent encore avec une acuité émotionnelle très particulière.

Contenir ses sensations a été un de mes plus beaux voyages avec mon William qui a tant de mal avec les crèmes, les pansements, la neige mais pas avec les effleurements d’un cheval ou le massage d’une personne bienveillante... grâce auxquels il a pu imprimer dans son corps, le mot  » détendu ». (Texte de Céline Martinez)

La non-appétence pour l’eau

Les débuts de vie des petits bébés atteints par le syndrome profilent des enfants qui ont beaucoup de mal à s’alimenter. Nourris par sonde, ils traversent ensuite une période d’alimentation très difficile où hyper-fatigables, le temps du biberon nous oblige à un moment de grande grande patience. Ensuite fraîchement installés sur leur chaise haute, le temps de repas est une véritable expérience en soi. La variabilité des difficultés, là aussi, est grande : la maturation de la sphère orale et les progrès au niveau déglutition puis mastication diffèrent d’un enfant à l’autre, soutenus ou non, par la rééducation de la sphère orale. Une fois que tout est bien rentré dans l’ordre, il reste une difficulté qui est celle de la non-appétence pour l’eau.

Certains enfants boiront normalement quand d’autres ne mesurent absolument pas leur taux de soif. Ce trouble oblige les parents et les structures scolaires à être très vigilants surtout en cas d’efforts intenses, et l’été. Ce trouble illustre encore la relation de l’enfant avec son milieu, et le besoin d’une vigilance peu commune, là encore, où l’autonomie de l’enfant est en jeu… (Texte de Céline Martinez)

L’éducation thérapeutique à la nourriture.

Pendant que les enfants s’appliquent à leurs différentes rééducations qui peuvent d’ailleurs s’arrêter, puis reprendre en fonction des besoins de l’enfant ou parce qu’ils n’existent pas de praticiens disponibles dans la ville de l’enfant… il y en a une à laquelle on ne peut se soustraire : celle de s’appliquer, chaque jour, à offrir des plats hypocaloriques pour aider et protéger l’enfant au maximum pour lutter contre l’obésité que cette maladie induit.
Nos enfants peuvent manger de tout mais une vigilance soignée va à la gestion des aliments gras et sucrés qui, non utilisés par l’organisme, seront transformés en cellules adipeuses. Or tout être humain a besoin de gras et de sucre. C’est vital. Cela suppose de se plonger dans quelques cours de diététique pour aller vers les aliments-amis.
Avec l’aide des diététiciens ou des pédiatres ou des médecins de référence, nous apprenons à contrôler le dosage des matières grasses nécessaires au bon développement du cerveau ( myélénisation des conductions neuronales ), en les présentant non-cuites. Quand au sucre, il s’agit de se tourner vers des produits non raffinés, à index glycémique bas, ainsi que le sucre naturel des fruits. Nos enfants ne sont pas « allergiques » à un produit gras ou sucré. Ce n’est pas parce qu’il mangeront un biscuit chocolaté qu’ils auront une réaction du genre oedème de Quicke mais pèse sur nos épaules de parents cette pression de conduire une alimentation-soin à chaque repas.
C’est une mécanique sourde qui conditionne nos achats alimentaires, le portage régulier de fruits et de légumes, une cuisine-maison souvent vapeur et l’obligation pour les parents de préparer des lunch-box à leurs enfants en âge scolaire quand les cantines ou la société ne peuvent s’adapter.
S’ajoute à ces préparations régulières, une présence psychologique à avoir auprès de l’enfant ou de la personne porteuse de cette maladie pour les aider à différer des demandes de nourriture qui dépassent la vraie sensation de faim.
J’ai été très aidée par des rendez-vous avec Clémence Guinot Psychologue Les Sables d’Olonne ( Sessad de mon fils ) qui a nommé le problème de l’hyperphagie, qui a écouté mes fantasmes et m’a appris à éteindre la dramatique de ce trouble.
Changer des habitudes alimentaires demande 1 an environ. C’est un travail.
Je vous rapporte ici la magnifique phrase de Mr François Besnier, ex Président de l’Association Prader-Willi France, lors des états Généraux de la déficience intellectuelle à Paris en 2018 :  » nécessité d’un cadre qui protège et qui libère « . Cadrer la nourriture, rassurer l’enfant ou la personne porteuse du syndrome Prader-Willi, sur ses repas, sur le détail des menus, organiser en amont les rencontres familiales ou les fêtes collégiales où la nourriture est disposée à volonté, est une nécessité qui va apaiser.
Et je remercie à nouveau immensément ma diététicienne, Sarah Mony, Diététicienne Nutritionniste Sarah Mony Cabinet Alimentum ( elle reçoit via Skype, suit 2 enfants porteurs du Syndrome depuis 10 ans, fait partie du Réseau Prévention Obésité Pédiatrique attaché à Necker ), qui m’a permis de ramener le plaisir dans nos repas de famille par les épices, les herbes fraîches et tant d’astuces… quand il s’agit, pour une mère, de ré-unir tous ses enfants et sa famille autour de la table. (Texte de Céline Martinez)

Le temps des rééducations

Il n’y a pas de plus beaux messages que ceux des mamans qui se battent avec tant d’amour et tant de soins pour leur enfant…(voir nota)
Il n’y a pas de mots pour illustrer avec autant de force tout ce que les enfants porteurs du syndrome de Prader-Willi bataillent pour y arriver, comme tous leurs petits frères et sœurs de cœur.

Il n’y a pas de check-list pour enclencher telle ou telle rééducation. Dans la petite enfance, les rééducations vont s’enchaîner , les plus fréquentes seront les rééducations orthophoniques et kinésithérapeutiques. Au rythme très soutenu de 2 à 3 fois par semaine, peu de temps après la sortie d’hôpital, pour apprendre à respirer, à mâcher, à déglutir, pour muscler le dos, amorcer le 4 pattes et finalement se mettre debout, il faut se rendre opérationnels dans les cabinets des praticiens. Stimuler, coacher, engager, réengager l’enfant dans l’effort par le jeu, la persévérance, les exercices pour réinjecter ce que la défaillance chromosomique leur a ôté. Mais c’est sans compter sur leur allant et notre rage.

Voici la nuit, Sam, qui prend des forces avec sa cpap (Continuous Positive Airway Pressure) et Jules s’essayant à ses premiers équilibres…les mamans, les papas, jour et nuit, veillent…comme cette main tendue… (Texte de Céline Martinez)

nota du webmaster : nous avons omis la phrase où Céline Martinez parle aux mamans des enfants figurant sur les photos et la vidéo, en les remerciant. Ces mamans ont ouvert des blogs fermés pour partager leur expérience et s’entraider (vous pouvez leur demander de vous accepter) qui sont référencés dans la rubrique « Familles/Partages/Blogs » de ce site.

La vie à l’hôpital
Comment décrire cette vie dans les couloirs blancs de notre seconde maison pourtant?
Elle commence à la naissance, marquée par ce silence troublant déchiré par les aigües des machines qui se mettent si rapidement en action pour la survie de nos petits. Plus tard, marquée par les rendez-vous et les annonces qui ne cessent de jalonner le quotidien de nos enfants, les mots scientifiques comme disomie, délétion, translocation, IMC, cpap, fréquence cardiaque, taux de GH…courbes et multiples tests viennent enrober petit à petit nos esprits et le corps de nos enfants.
Nous savons tous que ces soins sont primordiaux et je salue le dévouement des médecins et des infirmières appliqués à suivre nos enfants. Mais je ne peux pas ne pas révéler que l’accueil fait aux personnes fragilisées par des troubles sensoriels et une maladie si complexe peut être d’une grande dureté sans parler de l’aménagement de nos carrés de chambres qui manquent parfois de tant de dignité.
Les Etats Généraux de la déficience intellectuelle à Paris en 2018 ont, sans tabou, soulevés le sujet de l’accueil d’une personne souvent désarmée dans ses possibilités de dire l’intensité de sa douleur, ou de comprendre ce qui est attendue d’elle dans un endroit où les soins observent une logique assez froide. Les mères ou les pères se font les interprètes de leur enfant, intégrant rapidement la double casquette de parents, et de soignants-accompagnateurs dont la présence facilite les soins.
L’accent sur le rôle des parents et sur leur expertise, quand à la connaissance de leurs enfants, a fait l’objet de débats très respectueux. De plus en plus de secrétariats préparent maintenant, en amont, les hospitalisations des personnes présentant des troubles de la communication pour fluidifier et améliorer la qualité des soins ( prises de sang, radios, opérations, actes de dentiste… ).
Des applications comme SantéBD permettent aux parents et aux enfants de préparer leur temps d’hôpital et de s’approprier ses gestes et actes vécus de façon très intrusive parfois.
Si j’avais un conseil à donner, en ces temps de sensibilisation, ce serait, s’il vous plaît, de partager cette information SantéBD à tout personnel médical afin que nous aidions les équipes à prendre en charge nos enfants. Cette application est gratuite, s’installe sur mobile et se personnalise. MERCI à vous tous soignants, non soignants, parents ou accompagnants de proches touchés par une maladie rare comme le syndrome de Prader-Willi, merci de distiller ce qui peut adoucir ces moments de vie… à l’hôpital. (Texte de Céline Martinez)

Etre aidant
Mettre au monde un enfant est une très grande étape dans la vie d’une femme, d’un homme. Devenir parent en sera une autre. Et devenir le parent d’un enfant porteur d’une maladie rare encore une étape supplémentaire. Pourtant, dès la naissance ou, dès le diagnostic posé, cette dimension s’installe de fait, avec une force inouïe.
La maternité et la paternité d’un enfant porteur du syndrome de Prader-Willi suppose une présence particulière à l’enfant car l’enfant est une présence au monde particulière. L’enfant va suivre, selon son rythme à lui, toutes les étapes du développement classique d’un être humain… mais en secret, en silence, une hypervigilance va s’installer dans l’esprit du parent vis à vis d’un enfant porteur de fragilités physiques et émotionnelles repérées, et que les anglais nomment si bien : special need child : un enfant aux besoins intenses.
Dans les médias, il est beaucoup question, en ce moment de la gestion d’une famille quand il s’agit de concilier l’éducation des enfants et de mener à bien son rôle de mère et de père tout autant que sa vie de femme et d’homme : cela s’appelle la charge mentale. Face à une maladie rare, elle est décuplée. Tout l’enjeu par rapport à un enfant porteur d’une maladie rare sera d’arriver à concilier les soins à porter à l’enfant et sa propre vie. Il s’agit de gérer les 3 charges suivantes :
1/ la charge physique : les rééducations où l’on aide à coacher l’enfant et en reprenant parfois les exercices à la maison, assurer les trajets des rendez-vous pour les rééducations, et ceux à l’hôpital ( avec parfois des hospitalisations de nuit ), assurer les rendez-vous de l’enfant qui a tout simplement un rhume, une gastro, une varicelle…, le portage des courses en aliments non-transformés pour assurer le régime hypocalorique, la présence en cuisine pour une cuisine faîte maison, des levers très matinaux à répétition de l’enfant ou des nuits hachées ou la surveillance de sa respiration la nuit si l’enfant est appareillé ou des changements de literie, la nuit, si l’enfant souffre d’énurésie diurne ou autre, assurer des temps de sport pour contrer l’obésité,
2/ la charge émotionnelle : de la naissance, de l’annonce, des soins d’urgences, des séances d’hôpital, des attentes en salle d’attente, des attentes des résultats, de l’inconnu d’une maladie dont on ne sait rien, des dommages collatéraux avec des abandons de père ou de mère pour qui l’annonce est foudroyante, penser l’avenir qui inquiète, gérer les colères, penser les fratries…
3/ la charge administrative des dossiers et du suivi médical. En France, la lourdeur administrative est très importante. Il faut chaque année, prouver que l’enfant est porteur d’une maladie rare à vie! Il faut aussi monter des dossiers pour chaque nouvelle étape, et chaque nouvelle demande, en repérant que les réponses reviennent avec un délai de 3 mois, car les MDPH (Maison Départementales des Personnes Handicapées ) sont à bout de souffle. Et il faut ajouter que le personnel recevant les dossiers ne sont pas au courant des particularités de la maladie rare et qu’il nous faut donc expliquer par le menu toutes les complications que nous rencontrons pour infléchir une augmentation d’heures pour une auxiliaire de vie scolaire, ou un matériel vital pour soulager la vie de l’enfant.
Tous ces rôles de coaching, taxi, de cuisinière spécifique, de secrétariat, d’avocat, d’infirmière, d’accompagnant médical… portent un nom : être aidant. Et cela concerne aussi les fratries.
Nous sommes 11 millions en France à prendre soin d’un proche aux besoins intenses. Oui, c’est par amour. Mais c’est épuisant. C’est un véritable métier, un deuxième visage que beaucoup de mères et de pères cachent à leurs supérieurs hiérarchiques les obligeant à jongler avec des plannings et des émotions insensés. La société doit mettre un place un système de soutien plus efficient qu’il ne l’est aujourd’hui. Comme l’a repéré Mme Farida Adlani ( Maire de Villepinte ), bras droit de Mme Valérie Pécresse (Présidente de la Région Ile de France ), nous sommes une armée silencieuse. Il est grand temps que notre présence invisible soit reconnue dans son expertise et soit soulagée. Le Ministère de la Santé ainsi que Mme Cluzel, notre actuelle chargée auprès des personnes handicapées, s’y emploient. Mais il nous reste, encore, à nous tous, à charge, de faire changer le regard de la société sur nos vies qui engagent de plus en plus notre santé. Par dignité, les aidants se taisent, par priorité, ils s’occupent de l’enfant porteur de la maladie. Et années après années, cette cadence a des retentissements : sur notre vie en société, sur nos vies de famille, sur nos choix de vies…Winnicott ( psy anglais ) a dit  » un enfant, cela n’existe pas sans sa mère « , de la même manière, je dirai qu’un aidé n’est jamais au monde sans son aidant. Aussi soulager la personne qui aide est aussi une manière d’aider l’enfant qui se bat tous les jours contre la maladie. Une possibilité pour le parent de reprendre son souffle.
Pour le moment, les seuls moyens par lesquels je contre ces charges qui me dépassent souvent, sont la méditation, le yoga et le silence : ce que j’ai dû mettre en place pendant ces 4 jours. Mon fils, par ses impossibilités ou ses faiblesses, ne peut suivre le flux entier de la vie  » normale « . Cela ne me préoccupe plus.
Lutter contre la pression de ces charges est notre quotidien, si je m’applique à être exemplaire au niveau administratif, je ne le suis plus au niveau émotionnel. Nous prendrons le temps. Le temps de vivre. (Texte de Céline Martinez)

Oser
Mettre au monde un enfant différent est un événement exceptionnel. C’est un voyage physique, psychologique et moral d’une très grande intensité : une vie hors-normes. Et si l’on nous dit les symptômes, les difficultés, les embûches, on ne nous dit pas la force inouïe de nos instincts : ceux de l’enfant et les nôtres.
La France a 40 ans de retard dans l’accueil et l’acceptation des personnes différentes. Il ne faudra pas trop attendre des politiques, ni des personnes qui n’ont absolument pas conscience de ce que nous traversons. C’est à nous d’insuffler, c’est à nous de propulser.
Je vous souhaite d’oser. Doucement. Sûrement. Chaque jour. Chaque goutte, chaque pas… Rien n’est vain. Je vous le garantis.
Ce week-end, j’ai fui la foule hors des sentiers battus, dans une forêt, à vélo, avec mon fils. Je ne savais pas où cela allait nous mener. Je n’ai pas pensé aux obstacles, je n’ai pas étudié notre trajet. Il fallait que j’essaie.
Et cela, je vous le souhaite ardemment : d’essayer.
Tous les jours.
Et cela je le souhaite à toute personne, toute structure scolaire, tout institut médical, toute structure hospitalière. Chaque silence, chaque interrogation, chaque main tendue est une chance, une possibilité pour nos enfants.

Vous ne pouvez pas imaginer à quel point nos enfants sont des guides phénoménaux. Oui, ils auront toujours besoin d’un abri mais c’est avec eux, c’est avec nous, que vous le construirez.
Merci de vos partages, de votre énergie, de votre volonté : nous en avons besoin. (Texte de Céline Martinez)