Emil au skiNotre dernier témoignage sur Emil date d’il y a 5 ans, lors de la Journée Nationale (il est aussi  sur le site de PWF). A l’époque, Emil avait 6 ans et était en fin du cycle crèche/maternelle. Aujourd’hui nous approchons la fin de l’école primaire. Et puisque hier à l’hôpital Trousseau, lors des consultations de suivi, Emil a collectionné les félicitations des médecins sur son évolution, je reprends la plume pour partager quelques expériences, en vrac et en désordre. Peut-être cela peut donner des inspirations pour les autres parents de jeunes enfants avec le syndrome.

CLIS : l’entrée en CLIS (classe d’inclusion scolaire) a été au début douloureuse, car Emil était séparé de tous les enfants qu’il connaissait depuis la crêche et qui étaient scolarisés ailleurs. Mais ça c’est vite arrangé : Emil a eu la chance de tomber sur une équipe super, et la CLIS s’est révélée la bonne option : il a pu progresser à son rythme et en toute confiance. Dans une classe banale, même avec une AVS, ça aurait été très dur – trop dur – pour lui.

Avec sa CLIS, Emil a fait une classe de ski, et l’année suivante une classe de mer, à chaque fois la CLIS ensemble avec une classe banale pendant 12 jours.

 

Ski : nous n’aurions pas eu l’idée et l’audace de mettre Emil sur des skis, mais comme il a adoré ça avec l’école, nous avons saisi l’occasion de partir au ski en famille, lors des vacances suivantes, où Emil a pu intégrer et suivre un groupe de débutants tout à fait « normal ».

Depuis, nous y retournons régulièrement, et cette année (3ème séjour d’une semaine), Emil a descendu sa première piste rouge !

 

Emil avec le poneyEquitation et cirque : avec le SESSAD nous avons eu de la chance aussi : pendant 2 ans et demi, Emil a fait de l’équithérapie avec son groupe. Cela lui faisait le plus grand bien ! du coup nous avons cherché là aussi à prolonger le plaisir, et Emil est parti en colonie de vacances poney/cirque pendant les petites vacances,  une fois par an (une colo tout à fait ordinaire). Comme il n’est pas aussi autonome que les autres enfants de son âge (et surveillance alimentaire obligée….) le centre équestre a engagé un animateur en plus pour Emil, pour l’aider. Financièrement ce n’était évidememment pas donné – mais nous avons eu dans la famille une semaine de répit, pendant qu’Emil faisait vraiment de bonnes expériences, et le coût de l’animateur référent a été pris en charge par la MDPH.

 

Colonie de vacances : par ailleurs Emil part tous les étés 12 jours en colo avec notre ville (nettement moins onéreux qu’une colo privée) depuis l’âge de 7 ans. La mairie prévoit un animateur en plus pour Emil, et ça se passe toujours très bien, y compris pour le contrôle de l’alimentation : il revient avec son poids de départ.

 

Emil escalade interieurEscalade : le grand frère d’Emil étant passionné d’escalade, du coup Emil voulait faire pareil. A 8 ans il a commencé l’escalade dans la même association que son frère, et depuis il ne fait que progresser : il ne fait pas pire que les autres, est très motivé et très fier quand il arrive au plafond (7 m quand même !).

 

Sports d’équipe : nous n’avons jamais essayé des sports de ballon, d’abord parce qu’Emil n’est pas du tout attiré par ça, ensuite il a beaucoup de mal à attraper un ballon, et dans une équipe il aurait été donc forcément le « boulet qui fait perdre » ; alors qu’en escalade, ils travaillent en binome, il n’y a pas la notion de compétition, et l’intégration se fait très bien. Pour moi, l’escalade présente les avantages d’un travail en équipe, sans les inconvénients de la compétition.

 

Vélo : depuis tout petit, j’ai emmené Emil en vélo (siège bébé), c’était le plus pratique pour la majorité des déplacements (hôpital, orthophoniste, CAMPS, etc). Depuis la maternelle, Emil pratiquait la draisienne (petit vélo en bois sans pédales). Ensuite, quand il était trop lourd pour le siège bébé, nous avons pris une « troisième roue », c’est à dire un démi vélo attaché au vélo d’adulte, où l’enfant pédale, mais n’est pas indépendant (j’ai vite opté pour un vélo éléctrique pour moi, car Emil devenait de plus en plus lourd à tirer!). Régulièrement nous avons essayé un vrai petit vélo, et régulièrement il n’arrivait pas à pédaler en gardant l’équilibre. C’était désespérant ! Quand le vélo éléctrique et la 3è roue nous ont été volés, il n’y avait plus le choix, il fallait qu’il apprenne ! Et finalement il a appris, aujourd’hui nous faisons beacoup de déplacements en vélo, il adore, et nous agrandissons régulièrement notre périmetre (hier nous sommes allés à Trousseau en vélo J).

 

Zumba : cette rentrée nous avons découvert la Zumba. Emil y va 2 fois par semaine dans un cours pour enfants au fitness-club de notre ville. Pour brûler les calories en s’amusant c’est génial !

 

LEGO : depuis l’age de 7 ans Emil joue aux LEGOS. C‘est un bonheur ! Au début, des tout petits ensembles (« 3 en 1 » dans une boite en plastique, très pratique en voyage et pour faire patienter au restaurant par exemple !). Il nous est arrivé qu’Emil fasse attendre la pizza, posée  devant son nez, pour finir son Lego ! Lors des fêtes (mariages etc), quand il y a des kilometres de buffet, nous donnons à Emil sa part du buffet, puis un  Lego. Comme ça il est avec nous à table sans penser à manger. Essentiel : il ne faut pas perdre une pièce ! Au début ça le bloquait complètement, maintenant il est plus souple et peut en prendre une autre à la place, mais ça reste compliqué. Ne pas s’attendre à de la créativité : inventer des constructions est (pour l’instant) au dessus de ses forces. En revanche, il suit un plan de construction complexe à merveille !

 

Lecture : encore un sujet où nous étions désespérés : depuis tout petit, Emil était attiré par les livres, mais la lecture … ne voulait pas venir. Il connaissait les lettres. Il faisait exercice sur exercice à l’école. Je lisais avec lui. L’orthoponiste aussi  … puis toujours rien pour enchainer les lettres et les mots et les phrases. A 10 ans, il y a eu le déclic, et maintenant il lit. Avec plaisir. A haute voix. De mieux en mieux. C’est génial.

 

Alimentation : aujourd’hui, à 11 ans et demi, Emil fait 53 kg pour 148 cm. Il est certes « en dehors des clous » par rapport à la normale, mais un en dehors très maitrisé : il longe la courbe en parallèle. Son surplus de poids est le prix d’une vie apaisée : il ne fait pas de crises de colère, ni pour la nourriture ni pour autre chose. Il y a eu  des phases épuisantes : petit, il pouvait se lever au petit matin pour aller au frigo, dans la journée il ne fallait pas le quitter des yeux. Nous ne voulions pas opter pour le cadenas, car nous voulions garder une certaine « normalité » le plus longtemps possible. C’était idiot ! Depuis septembre dernier, et sur l’insistance d’Emil lui-même, nous avons installé des cadenas au placard de cuisine et frigo (nous avons une cuisine ouverte, donc pas de porte à fermer simplement), et c’est un soulagement général. La vie est BEAUCOUP plus facile comme ça !

 

Travailler la souplesse : on dit des enfants Prader-Willi, qu’ils ont besoin que tout soit prévu, plannifié, ritualisé. Qu’il ne faut pas changer le programme prévu etc, sous peine de crise. Mais la souplesse peut se travailler aussi: en introduisant exprès des petit changements, des imprévus. Prendre, pour aller à l’école, un jour tel chemin, un jour tel autre. Puis le laisser décider : quel chemin prendre aujourd’hui ? Aller au CAMPS une fois en bus, une autre en métro, une autre encore en vélo ou voiture… Manger autre chose pour le petit déjeuner que ce qui est pris d’habitude. Faire des sorties spontanées, décidées en dernière minute. Changer d’avis sur des petites choses anodines. Je reviens au Lego : lui apprendre que s’il y a une pièce rouge de perdue, on peut mettre une bleue à la place, ou ne rien mettre du tout…Le tout avec délicatesse et doigté pour ne pas déstabliliser trop, juste un peu. Aujourd’hui, Emil est très souple : il a pris confiance que les changements de programme et les surprises ne sont pas un drame, mais le piment de la vie, et il aime l’aventure.

 

Auto-interneto-thérapie : dans le cadre d’une expérimentation dans les CLIS de notre académie, Emil a eu une tablette à l’école. Grande découverte ! Quand il a découvert les limites de la tablette scolaire, il a squatté la mienne. Qu’est-ce qu’il regarde, entre autres ? Des videos sur les  maladies : les maladies très rares, très bizarres, très horribles, les malformations, les opérations à risque… et à la fin, il dit : « finalement, ma maladie, c’est pas si horrible. T’imagines, si j’avais ceci ou cela ? » Ca le rassure beaucoup d’avoir une maladie finalement pas si terrible que ça.

Il regarde aussi beaucoup de trucs du genre Super-Nannie : les familles ou rien ne va, ou les enfants partent de crise en vrille, et ou Super-Nannie et autres psys trouvent des solutions pour « guérir » la situation. A l’école, Emil tente d’apaiser les conflits. A la maison, il verbalise extremement bien quand quelque chose ne va pas, et essaie toujours de trouver une solution. Il fait comme il a vu chez les éducateurs. Au début, je n’étais pas très pour qu’il surf sur internet, mais finalement je trouve qu’il s’en sert d’une manière qui lui apporte beaucoup.

 

Les écrans : et puis, les maudits écrans sont un excellent moyen pour oublier la faim ! Quand Emil passe de l’ordi à la DS et d’un DVD à la tablette, il ne pense pas à manger (seule restriction : nous n’avons pas la télé – ce flot continu bourré de pubs qu’on ne peut plus arrêter tellement il nous capte). A partir du moment où il a des activités et des centres d’intérêt par ailleurs, nous lui laissons cet échappatoire. Pour se ravitailler en DVDs, la médiathèque est parfaite, et Emil y est connu comme le loup blanc.

 

Musique : comme je suis violoncelliste, j’ai essayé le violoncelle avec Emil. J’ai même écrit une méthode rien que pour lui. Mais c’était beaucoup trop compliqué, entre la main droite et l’archet, la main gauche et les cordes… Du coup, on a trouvé autre chose : depuis 3 ans, Emil prend des cours de percussion à l’école de musique de notre ville. Après 3 années d’éveil musical, le directeur a été suffisamment lucide pour dispenser Emil du cours de solfège, et le prof de percu est inventif pour trouver les exercices à la portée d’Emil. Il adore être sur scène et a dejà participé au concert de Noël. Très fier !

 

Voilà, on a fait un peu le tour du quotidien d’un garçon avec le syndrome de Prader-Willi de 11 ans. Il fait plein de trucs que je n’aurais pas forcément imaginés possibles à son arrivée au monde, il est très heureux, et il enrichit son entourage !

 Dagmar Kiderlen