Le syndrome de Prader-Willi est une maladie génétique. Mais qui dit génétique ne veut pas forcément dire, héréditaire.

Pour autant, il est naturel pour la fratrie de se poser la question du risque de transmission du syndrome. Je vais essayer de répondre de la façon la plus exhaustive mais surtout la plus claire possible.

Pour bien comprendre, un petit cours de génétique s’impose :

 

PWF5O-1

Les chromosomes sont présents dans toutes nos cellules au nombre de 46 (23 paires) et portent les gènes, responsables du bon fonctionnement de notre organisme et de certaines de nos caractéristiques propres. On parle de patrimoine génétique car les chromosomes sont transmis de génération en génération, un de chaque paire étant transmis par la mère et l’autre par le père.

PWF50-2Le caryotype :

22 paires de chromosomes identiques 2 à 2

1 paire de chromosomes sexuels (XX ou XY)

= 23 paires

Du fait de cette distributionpar paires de nos chromosomes, tous les gènes sont normalement présents et exprimés en double exemplaire, une copie paternelle et une copie maternelle.

Tous, SAUF un petit pourcentage (de l’ordre de 10 %) qui est soumis à ce que l’on appelle l’empreinte parentale. Ces chromosomes comportent des régions particulières où les gènes s’expriment uniquement sur une copie, soit celle du chromosome paternel soit celle du chromosome maternel.

Ainsi sur le chromosome 15 une région est soumise à l’empreinte parentale, la région 15q11-q13 (appelons-la 15q pour simplifier). Dans cette région, et pour tous les individus, certains gènes ne sont exprimés ou ‘‘activés’’ que sur le chromosome paternel et ‘‘inactivés’’ sur le chromosome maternel. Ce sont ces gènes qui sont impliqués dans le SPW.

Il existe également dans cette même région des gènes qui, inversement, ne sont exprimés que sur le chromosome maternel et sont silencieux sur le chromosome paternel, et ceux-là sont impliqués dans un autre syndrome, le syndrome d’Angelman.

Mais concentrons nous sur ces gènes à expression paternelle impliqués dans le SPW.

Dans le SPW, les gènes localisés dans cette région 15q et transmis par le père, ne sont pas fonctionnels ou sont absents, et cela pour différentes raisons selon les personnes. Il existe en effet plusieurs mécanismes génétiques entraînant ce dysfonctionnement :
– Dans environ 70 % des cas, les personnes atteintes du SPW ont une délétion sur le chromosome 15 hérité du père ; il manque une partie plus ou moins étendue de ce chromosome correspondant à la région 15q. Les gènes ‘‘paternels’’ de cette région sont donc absents.
– Dans 25 à 30 % des cas, les personnes atteintes du SPW présentent une disomie maternelle. Au lieu d’avoir hérité d’un chromosome 15 paternel et d’un autre maternel, la personne a reçu (au stade de la fécondation), par erreur, 2 chromosomes 15 maternels. Les personnes présentant une disomie ont donc 2 chromosomes 15 ‘‘entiers’’, mais les gènes de la région 15q d’origine maternelle sont ‘‘inactifs’’.
– Dans 1 à 3 % des cas, on ne retrouve ni délétion, ni disomie, on parle alors de mutation ou d’anomalie du centre de l’empreinte ; une petite partie de cette région 15q du chromosome paternel, que l’on appelle le centre de l’empreinte et qui est responsable du phénomène d’empreinte parentale, dysfonctionne. Ce chromosome pourtant hérité du père restera ‘‘empreinté materne’’ comme s’il était hérité directement de la grand-mère paternelle. Les gènes de cette région seront donc inactivés comme dans le cas de la disomie maternelle.

– Il existe également quelques rares cas de translocations chromosomiques ; un petit bout d’un autre chromosome est venu se coller par erreur sur le chromosome 15 entraînant la perte de la région 15q (comme dans le cas de la délétion). Cette anomalie est visible sur un caryotype et dans ce cas là on vérifie que les parents ne sont pas porteurs eux-mêmes d’une translocation dite équilibrée.

Un petit schéma très simplifié pour résumer :

PWF50-3

Il est très  important pour la personne malade et sa famille de connaître quel mécanisme génétique a entraîné le SPW. Car, au-delà des spécificités de toute personne, un ‘‘profil’’ particulier semble se dessiner, selon que la personne soit porteuse d’une délétion ou d’une disomie par exemple, et la prise en charge pourrait être adaptée.
Connaître le mécanisme génétique en jeu revêt aussi une importance pour le conseil génétique, pour informer le reste de la famille.
Dans la quasi-totalité des situations, le conseil est rassurant pour les familles, on estime le risque pour les parents d’avoir un nouvel enfant atteint du syndrome à moins de 1 % dans le cas où l’enfant atteint du SPW a une délétion ou une disomie car ces deux événements surviennent de façon accidentelle (de Novo).
Pour ce qui est du cas rare de l’anomalie de l’empreinte, le conseil est plus réservé car on connaît quelques exemples publiés
dans la littérature scientifique dans lesquels cette anomalie de l’empreinte a été héritée et transmise de manière silencieuse pendant plusieurs générations avant que le SPW n’apparaisse au sein de la famille dans différentes fratries. On sait cependant que cela concerne moins de 10 % des cas de mutation d’empreinte qui surviennent elles aussi dans la majorité des cas de façon accidentelle.
Dans toutes les situations, une analyse approfondie est proposée aux parents pour connaître leur statut génétique et savoir s’ils pourraient être ‘‘porteurs silencieux’’ de l’anomalie de leur enfant.

Pour conclure, je voudrais m’adresser à la fratrie, car c’est à eux en particulier qu’est destiné cet article. En tant que frère ou soeur d’une personne atteinte du SPW, ayant hérité d’un chromosome 15 parfaitement fonctionnel, vous redevenez une personne lambda avec le risque infime de la population générale d’avoir un enfant atteint du SPW, de l’ordre de 1/15 000 naissances.

Mais en tant que frère ou soeur d’une personne atteinte du SPW, on peut et on a le droit d’être plus anxieux qu’une personne lambda, alors je vous conseillerai de consulter, au moment voulu, un généticien ou un conseiller en génétique pour reparler de tout ça afin d’évoquer votre situation personnelle et de dissiper complètement les derniers doutes.

Pour pouvoir être rassuré, il est nécessaire d’abord de bien comprendre.

Virginie Laurier

Attachée de recherche clinique – Conseillère en génétique

Hôpital marin de Hendaye

Article publié dans le bulletin de l’association PWF n° 50 d’octobre 2012