Construction d’une souris génétiquement modifiée pour contrôler l’inactivation du gène Magel2.
Equipe dirigée par F. Muscatelli (Institut de Neurobiologie de la Méditerranée, INSERM Unité 901, Marseille)
Mon équipe travaille depuis 15 ans dans le domaine de la recherche fondamentale sur le syndrome de Prader-Willi. Nous avons initialement isolé et caractérisé deux gènes humains NECDIN et MAGEL2 en tant que gènes candidats pour le syndrome de Prader-Willi. Dans un deuxième temps nous avons créé des souris modèles pour étudier le rôle de ces gènes respectifs dans la pathologie du SPW. Chacun de ces gènes a été séparément inactivé chez la souris. L’approche que nous avions choisie était d’inactiver par délétion ces gènes (on enlève la séquence du gène Necdin ou Magel2 du génome) de manière dite constitutive, c’est-à-dire que le gène était enlevé dans toutes les cellules de l’organisme et à tous les stades du développement de la souris.
L’étude de ces souris a été très informative et est toujours en cours. Elle a permis entre autre de montrer un rôle de Magel2 dans le comportement alimentaire, dans les interactions sociales et dans le contrôle des rythmes biologiques.
En effet, l’étude des souris Magel2 mutantes nous a permis de révéler un symptôme pathologique vital qui est corrélé aux symptômes présents chez les patients Prader-Willi : une absence d’initiation de l’activité de succion, qui entraîne la mort de 50% des souriceaux nouveau-nés mutants à la naissance. Cette activité de succion peut être restaurée par une injection d’ocytocine exogène juste après la naissance, permettant de sauver la totalité des nouveau-nés. De plus, les mutants Magel2 qui survivent spontanément (50%) présentent des troubles du comportement social au stade adulte, qui sont corrigés par une injection d’ocytocine chez l’adulte. Nos résultats indiquent donc que le système ocytocinergique est déficient chez les souris Magel2 mutantes. Notre projet vise à comprendre pourquoi et comment le système ocytocinergique est perturbé chez les souris Magel2 mutantes, à la naissance et chez l’adulte. Nous rechercherons également si l’injection d’ocytocine chez le nouveau-né mutant permet de corriger les altérations comportementales observées chez l’adulte. Les retombées de cette étude ouvrent l’espoir d’une porte thérapeutique pour des symptômes du SPW.
Les données obtenues sur les troubles du comportement chez la souris sont en accord avec les résultats récents de l’équipe du Pr. Tauber obtenus en collaboration avec l’équipe du Dr Tuilleaux à Hendaye. Ainsi le modèle murin déficient pour Magel2 est très précieux pour étudier le développement d’une thérapie des troubles alimentaires à la naissance et de troubles comportementaux qui apparaissent plus tard.
Ces résultats indiquent donc clairement que le développement et le fonctionnement du système ocytocinergique sont perturbés en l’absence de Magel2. Nous mettons en évidence d’une part que l’ocytocine joue un rôle crucial dans le comportement alimentaire à la naissance, et d’autre part, que les défauts de développement et/ou de fonctionnement du système ocytocinergique provoqueraient des conséquences à long terme qui s’exprimeraient au stade adulte. Il est donc crucial 1) de vérifier si seule la déficience du système ocytocinergique est responsable des problèmes comportementaux observés chez les souris déficientes pour Magel2 ; 2) de comprendre pourquoi et comment le système ocytocinergique dysfonctionne chez les souris déficientes en Magel2, chez le nouveau-né mais aussi chez l’adulte. 3) de se poser la question : Est-ce que cette déficience en ocytocine peut être corrigée de manière durable chez un individu ?
C’est l’objectif de notre présent projet. Les retombées d’un tel projet sont très importantes pour savoir ce que l’on peut espérer avec une thérapie basée sur l’administration d’ocytocine, et pour déterminer comment, à quelle dose et à quel stade (chez l’enfant) l’ocytocine peut être utilisée de manière optimum.
Pour répondre à ces questions sans ambigüité, il est nécessaire:
1) de disposer d’un modèle murin dans lequel on peut inactiver l’expression du gène Magel2 dans les tissus que l’on veut et au moment du développement que l’on souhaite. Il s’agit d’un modèle d’inactivation dite conditionnelle.
2) de disposer aussi d’un modèle dans lequel Magel2 serait « constitutivement » inactivé tout au cours de l’embryogénèse et puis réactivé spécifiquement dans certaines populations de cellules au moment que l’on souhaite, par ex. dans les neurones ocytocinergiques à la naissance. Ce dernier modèle est très important car il permettrait rapidement et avec certitude de savoir si malgré l’absence de Magel2 au cours du développement embryonnaire on peut ou non restaurer un comportement normal avec une expression de Magel2 après la naissance uniquement. Grâce au développement de techniques récentes, nous pouvons actuellement concevoir la création d’un seul modèle à partir duquel on peut dériver de manière exclusive la production des deux modèles cités ci-dessus.Le soutien financier de PWF nous permettra de mener à bien ce projet.
F. Muscatelli